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Article • Bureau exécutif • Actualité • 24 August 2020

Interview de Sylvain LEDROLE nouvel Administrateur de l'AETL

 

Toute l'équipe de l'association AETL est heureuse de vous présenter Sylvain LEDROLE qui a rejoint la communauté des Administrateurs.

Deux suppléants de l’antenne Île-de-France, Maria OTANEZ et Nathan BONNIN, ont interviewé ce professionnel du transport et de la logistique. Sylvain a accepté de partager avec nous son ample expérience et apporte des conseils aux lecteurs de l’AETL.

 

Bonjour Sylvain, avant de parler de vos projets pour l’AETL, nous aimerions en savoir plus sur votre parcours en faisant un remake de toutes vos expériences. Pour débuter, après avoir excellé lors de votre cursus scolaire à l’ISEG en sortant major de promotion, vous êtes entré dans le monde du travail au sein du groupe Casino, qu’avez-vous tiré de cette première expérience ?

« A l’âge de 25 ans et demi, j’ai appris à gérer un centre de profit avec 2 notions importantes : le côté financier et les moyens humains. Être à la tête d’un magasin avec 80 collaborateurs et 8000 références m’a permis de me baigner dans l’entreprenariat, animer un comité d’entreprise, gérer les syndicats. C’est un métier exigeant car les normes réglementaires et les exigences sanitaires sont très strictes en recevant du public et en manipulant des denrées alimentaires. Il a fallu oublier les semaines de travail à 35h qui se rapprochaient plus de 70h en travaillant 6 jours sur 7. »

 

Vous avez ensuite continué votre parcours chez 3 transporteurs de fret : GLS, Heppner puis Geodis. Quels sont les points marquants de vos expériences et pourquoi ?

« En intégrant GLS, j’ai découvert le monde de l’express, où l’exigence est de mise avec des objectifs de taux de livraison supérieur à 98%. J’y ai également appris à gérer la sous-traitance qui ne connaissait pas le contrat type. A l’époque, il n’y avait qu’un seul sous-traitant qui avait pour lui seul les 80 tournées du site. Il était en abus de position, gérait lui-même ses tournées de livraison. En clair, le sous-traitant était le patron. La rémunération se faisait au colis et nous avons dû passer par une bataille juridique pour évoluer vers une rémunération à la position. Il y a eu une longue grève, des menaces, le blocage du dépôt, la venue de la police. La facturation à la position a finalement été actée et ce modèle a été repris par toutes les agences : cela a permis de créer l’histoire du groupe.

Depuis, je n’ai fait que redresser des centres pendant toute ma carrière : fusion acquisition, achat, développement, sauvetage d’entreprise.

J’ai ensuite intégré la société Heppner où j’y ai découvert le monde de la messagerie. J’ai reconstitué les équipes, commencé à faire gagner de l’argent en travaillant sur la distribution en regardant les postes de charges. J’ai découvert chez Heppner un grand homme, Jean Schmitt, personnage marquant, proche de ses équipes. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est de voir le PDG remettre en main propre la médaille du travail à ses collaborateurs.

J’ai aussi œuvré chez Geodis Calberson en tant que patron de filiale. J’ai participé au rachat de Sernam et de Cool Jet. En arrivant, la filiale perdait de l’argent, et a commencé à en gagner sous ma présidence : le type de management est un point clé dans la réussite d’une entreprise. »

 

Vous avez ensuite pris la décision de vous orienter vers une société privée de transport de fonds, pourquoi ?

« J’y suis allé par curiosité, pour un poste à responsabilité dans le but de gérer le plus gros centre de transport de fonds d’Europe, 5e mondial (Aubervilliers). L’agence traitait 100 millions d’euros par jour avec 50 véhicules blindés. Le site perdait de l’argent.

Grâce au redressement du compte de résultat, le site d’ Aubervilliers à été mis à l’honneur lors du colloque mondial de Miami. Chez LOOMIS, j’ai développé des compétences en sûreté. Commercialement, j’ai découvert les groupes bancaires.

Dans une carrière, "quand on sait de quoi on est capable de faire" et que les résultats sont là, on a du mal a accepter des critiques non fondées. La critique doit toujours rester constructive car quand elle devient négative et permanente, manager devient compliqué.

Après cette expérience, je m’étais promis de ne plus avoir de patron et j’ai décidé de créer mon entreprise. »

 

 

Après cette expérience, vous vous êtes tourné vers la formation en créant AURORE Solutions PARTNERS et en vous associant à la DELIVERY ACADEMY qu’elles ont été vos intentions/motivations pour créer une entreprise ?

« AURORE Solution PARTNERS est actionnaire de la Delivery Academy. J’ai la volonté de me consacrer à la formation professionnelle pour ma dernière mandature avant ma retraite. Chez Geodis, lors des entretiens annuels, la demande principale de mes cadres était la formation. Nous avons donc développé des modules de formation pour les populations oubliées : livreurs, agents de manutention, … mais aussi pour les managers.

L’humain est fondamental dans la chaine de distribution et de la Supply Chain. Si l’on remet l’humain au centre du dispositif, nous allons susciter des vocations. Le monde de la Supply Chain à une employabilité tellement énorme que nous n’arrivons pas à fournir. »

 

Comment avez-vous géré la crise du COVID19 ?

Nous avons vécu des moments compliqués. AURORE Solutions FREIGHT, société de transport dont l’actionnaire est AURORE Solutions PARTNERS a dû être fermée à cause du COVID19, au mois de mai. Mis à part cela, cette crise est tout sauf un passage négatif. Cela nous apprend à continuer à être prêt, à accélérer. Par exemple, nous avions décidé d’entamer une démarche de certification pour 2021 pour la DELIVERY ACADEMY, la crise nous a permis de nous concentrer plus encore sur ce projet et de nous permettre de présenter à l’audit de certification QUALIOPI , en octobre. La Covid19 a accéléré notre processus de positivité.

Pour moi, la vision d’un bon patron doit être simple : le « on verra » ne doit pas exister. Qui est « on » ? On verra quoi ? Il doit se donner les moyens de le faire. »

 

En créant votre propre société, vous intervenez dans des écoles de la branche : quelles sont concrètement vos missions auprès de tous ces organismes de formation ?

« J’effectue des interventions externes pour l’ISTELI, l’EST, PROMOTRANS : gestion financière, gestion d’un centre de profit, … J’interviens dans les modules où il y a un besoin d’expertise. Il est important d’être pédagogue, de se renouveler tout le temps.

Je pense avoir suffisamment de légitimité pour pouvoir partager et apporter un maximum d’éléments à la jeune génération : faire profiter de mon expérience, des "Best Practice" afin d’avancer plus vite, remettre l’humain au centre du dispositif, casser les conflits intergénérationnels. La vie fonctionne avec du partage. Si chacun va dans le même sens, nous pourrons aller loin.

 

Vous avez aussi été formateurs à l’EST en donnant des cours de management. Pour vous, qu’est-ce qu’un bon manager ?

 

4 points essentiels :

  • Être visionnaire : vision à long terme, appréhender son environnement et comprendre ce que l’on fait ;
  • Savoir compter : toute action managériale a un coût, une dépense, une recette : que ce soit financier, RH, opérationnel ou commercial ;
  • Savoir s’entourer ;
  • Être exemplaire : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.

 

Comme dit précédemment, cette interview est réalisée en lien avec l’AETL, association pour laquelle vous devenez administrateur. Quelles sont les projets que vous souhaitez réaliser pour l’AETL dans l’avenir ?

« A court terme, je participe aux jurys des mémoires. J’aimerais participer au développement des antennes, et développer  Paris. Pour moi, l’AETL doit être un vrai vecteur de communication au travers du métier : interconnecter nos métiers, et les générations. La notion de réseautage est très importante d’autant plus aujourd’hui. »

 

 

De façon plus globale, y-a-t-il un évènement en particulier dans votre carrière qui vous a marqué ?

« L’évènement le plus marquant de ma carrière a été la fusion de Sernam et du site de Valenton chez Geodis. Nous avons eu la chance de reprendre 60 collaborateurs et d’investir leur site. Deux points marquants : prendre les clés le vendredi soir en étant le seul représentant du groupe, humainement c’est une page qui se tourne, puis arriver le lundi matin et constater que tous les bureaux étaient restés en l’état, les collaborateurs avaient laissés leurs affaires (photos de leurs enfants, etc : une partie de leur âme était encore présente).

Voir une grande entreprise comme Sernam péricliter, ça remet les choses dans leur contexte. Le but était de conserver un maximum de personnel. Nous avons refait entièrement le bâtiment en créant un espace de 10000m2 de messagerie depuis un entrepôt qui pouvait accueillir le train. Le chantier a été extraordinaire. »

 

Pour vous, les métiers du transport et de la logistique seront-ils remplacés par des robots dans les prochaines années ?

« Impossible. Premièrement pour des aspects réglementaires. Pour donner un exemple, aujourd’hui, on redécouvre les métiers du vélo. Le transport à vélo n’est réglementé par aucune loi sauf le code de la route : la logistique va modifier sa façon de fonctionner. Il y aura sans aucun doute moins d’interventions humaines à l’avenir mais elles seront différentes. Par exemple, un conducteur d’il y a 30 ans n’est pas le conducteur d’aujourd’hui. Maintenant, il doit maitriser une application, comprendre comment fonctionne un chronotachygraphe numérique… »

 

Auriez-vous un conseil à donner aux étudiants et professionnels du transport ?

« Un étudiant doit agir en professionnel et ne pas penser qu’il est étudiant, surtout quand il fait de l’alternance. Pour moi, un alternant est déjà un salarié. Un alternant qui se positionne de façon professionnel pendant son cursus d'études supérieures, c’est déjà une des clés de la réussite. Que ce soit sur la façon de communiquer à l'oral ou à l’écrit : il faut être professionnel tout le temps. Lorsqu’on est en cours, nous apprenons de nouvelles méthodes, c’est comme si nous étions en formation en entreprise.

Si on arrive à travailler sur le savoir être et savoir faire, nous arriverons à de grandes choses.

 

Trois points importants :

  • Agir en professionnel ;
  • Travailler ;
  • Etre ouvert d’esprit : savoir ce qui se passe dans le monde (ne pas être cantonné à un seul type de transport, voir tout ce qui se passe autour de nous). »

 

Que pensez-vous de l’alternance ?

« Pour moi, c’est la voie royale. Malheureusement, elle est beaucoup trop mal vue en France depuis toujours : manque d’ouverture, manque de compréhension. Quand on prend un alternant, on doit lui faire confiance et lui donner des responsabilités, sinon comment peut-il apprendre ? 

 

Dernier conseil : Croire en ce que l’on est, ne jamais rien lâcher, il n’y a que comme cela que ça fonctionne. »

 

 

interview réalisé par :

  • Maria OTANEZ : Manager réseaux jurisdiques chez COVEA
  • Nathan BONNIN : Alternant "Excellence Opérationnelle" chez DB SCHENKER & Sup de Log Groupe Promotrans Paris