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Article • Bureau exécutif • Divers • 11 March 2019

Soignez votre supply chain, c'est stratégique !

 

Business case Longtemps considérée comme un centre de coûts, la supply chain est devenue un pôle de création de valeur capable de doper la productivité et la profitabilité des entreprises. 

Taux de croissance et de service en hausse, amélioration des stocks et de la productivité, réduction des délais de livraison et des coûts… La transformation de la supply chain orchestrée par bon nombre d'entreprises semble être, à les entendre, le remède adéquat à de multiples maux. Longtemps réduite aux flux physiques de la logistique, elle intègre bien d'autres flux, financiers et d'informations. Notamment considérée comme un simple poste de dépenses, serait-elle devenue un facteur de compétitivité ? « Le supply chain management permet une optimisation du fonctionnement de l'ensemble de l'entreprise, qui est rapidement palpable au niveau du chiffre d'affaires, répond Caroline Mondon, directrice générale de Fapics, association française de supply chain management. «  Dans de nombreux secteurs, la bataille avec les concurrents a lieu sur le terrain de la supply chain. C'est bien de création de valeur dont il s'agit. » La preuve par l'exemple avec cinq sociétés.

Cdiscount : confier la préparation des commandes à des robots

Comme tout acteur de l'e-commerce qui se respecte, Cdiscount est focalisé sur la disponibilité de ses produits, les délais et les modes de livraison proposés à ses clients. Le projet de transformation de sa supply chain est né d'un triple besoin : augmenter son nombre de références propres de 70.000 à 300.000, réduire ses délais de livraison pour faire du J + 1 la norme et en flexibiliser les modes pour être capable d'absorber les reports et de déposer les colis chez les clients le matin, le soir ou le week-end. « Pour densifier nos stocks, accélérer les flux et améliorer notre productivité, tout en veillant à la maîtrise de nos investissements et en préservant notre agilité, nous avions besoin des dernières technologies disponibles sur le marché », constate le directeur des opérations, Pierre-Yves Escarpit.

Cdiscount s'est tourné vers Exotec Solutions. Dirigée par Romain Moulin, la start-up a mis au point un robot autonome, le Skypod, dont les déplacements en 3D reposent sur des algorithmes en mesure d'optimiser ses mouvements. Implanté depuis quelques mois dans son entrepôt de Cestas, en Gironde, le système permet de préparer une commande en moins de deux heures. Il multiplie aussi la densité de stockage par trois et la productivité par cinq, avec 400 « picks » à l'heure, contre 80 auparavant. Le tout avec un retour sur investissement espéré dans à peine plus de trois ans. « Outre la robustesse et l'agilité qu'elle occasionne, cette innovation nous a permis d'améliorer les conditions de travail de nos salariés qui n'ont plus à parcourir 10 à 12 kilomètres par jour en risquant de souffrir de troubles musculo-squelettiques à cause du picking », se félicite Pierre-Yves Escarpit. Une expérience concluante qui a poussé Cdiscount à signer un second contrat avec Exotec pour équiper son nouvel entrepôt de Réau, en Seine-et-Marne, avec 60.000 bacs et 50 robots.

Bridgestone : mieux se connecter aux clients

Pour mettre fin au « raisonnement Far West » qui pouvait régner entre ses équipes françaises, allemandes et espagnoles, et redonner de la visibilité et de la fiabilité à ses clients, Bridgestone a conduit « une révolution culturelle afin de s'orienter vers le client plutôt que vers la production », affirme son VP logistics, supply chain & procurement EMEA, Henri-Xavier Benoist. Le fabricant de pneus doit gérer deux clientèles distinctes : les grossistes avec une maille de commande hebdomadaire, voire mensuelle, qui lui apporte une prévisibilité naturelle ; et les points de vente qu'il doit livrer directement en un temps record, selon une logique proche de celle de l'e-commerce. « Tout l'enjeu était de connecter notre supply chain aux clients et de l'amener jusqu'aux usines, voire jusqu'à l'approvisionnement en matières premières, souligne Henri-Xavier Benoist. Pour nous, la fiabilité et la visibilité sont encore plus importantes que les délais de livraison. Si nous n'avons pas la pièce en stock, il faut au moins donner une date de livraison future fiable. »

A l'aide du logiciel de planification OMP Plus et du plan Visibility, qui a entraîné l'ensemble des acteurs de la supply chain - planificateurs de production, de distribution et de transport, agents de service clientèle, commerciaux -, un planning collaboratif a été mis en place avec les grossistes pour étendre la visibilité sur les commandes et adapter les plans de production et de distribution en conséquence ; en parallèle, les mêmes plans ont été connectés aux commandes des points de vente. « Quand le planificateur ajuste son plan de production à la semaine, il sait dorénavant pour quels ordres de production il y a une commande client engagée et prioritaire », note Henri-Xavier Benoist. Résultats : pour un investissement de 5,5 millions d'euros, qui devrait être amorti en deux ans et demi, la confiance des clients s'est nettement améliorée, le besoin d'inventaire a drastiquement diminué, le coût des transports a été optimisé et l'exécution du transfert de stock à temps est passée de 70 à plus de 95 %.

Essilor : un nouvel atout commercial

Chez Essilor, la supply chain fonctionne à deux vitesses. En amont, le fabricant doit manoeuvrer comme un industriel, capable d'organiser dans ses 34 usines une production de masse de verres finis et semi-finis avec un objectif de réduction du coût unitaire ; en aval, à l'aide de ses 481 laboratoires de prescription et de ses 15 plates-formes de distribution, il doit remplir dans des délais très tendus un objectif de personnalisation du verre correcteur qui correspond aux besoins des opticiens et de leurs clients. « Entre la correction, le matériau, le design, les traitements et les mesures personnelles de chacun, il existe plusieurs milliards de combinaisons possibles », explique son VP supply chain strategy & transformation, Georges de Gaulmyn.

Pour garantir l'adéquation entre la charge et la capacité de ses usines, Essilor a mis au point un processus de Sales & Operations Planning (S&OP) éprouvé chaque mois, complété par une technique de lean manufacturing qui lui permet d'optimiser les flux entre ses laboratoires de prescription. « A l'intérieur d'une même journée, nos laboratoires sont soumis à des variations d'activité, détaille Eric Javellaud, VP group supply chain & IT du fabricant de verres.  Ce processus prend en compte les pics de charge et nous transférons, si besoin, des commandes d'une entité à une autre dans une logique de proximité. »

A force de transformation, la supply chain d'Essilor est devenue si résiliente que le groupe est aujourd'hui capable d'offrir de nouveaux services à ses clients. « Nous proposons aux opticiens de réaliser le taillage et le montage des verres et aux grands comptes de reprendre tout ou partie de leur supply chain en leur livrant des lentilles, des montures et même du matériel marketing, précise Georges de Gaulmyn. Cela nous permet de mieux connaître nos clients, de renforcer nos relations avec eux et d'augmenter notre surface d'affaires. La supply chain crée alors sa propre valeur. »

Sames Kremlin : mettre en oeuvre le DDMRP

Sames Kremlin partait de loin. Avant de se convertir à la technique dite du DDMRP (Demand Driven Material Requirements Planning), une nouvelle façon de planifier les flux, le taux de service de cette ETI spécialiste des équipements de pulvérisation n'était que de… 40 %. « Notre organisation n'était pas satisfaisante et occasionnait trop de ruptures ou de surstocks », confesse sa planning and supply manager, Leïla Bouhali. Désormais, ses flux de production sont uniquement tirés par les demandes réelles des clients et s'adaptent au jour le jour aux commandes. « Les ateliers de montage évitent de produire trop en avance ou trop en retard et sont guidés par un code couleur qui facilite la priorisation de la production », poursuit Leïla Bouhali.

D'abord adoptée par son usine de Stains, en Seine-Saint-Denis, puis dupliquée sur son site de Meylan, en Isère, cette méthodologie a conduit à la mise en place de 45.000 « buffers » - des zones tampons de stocks - capables d'absorber les variations de la demande. Depuis, sur certaines familles de produits, les ventes ont augmenté de 100 %, les stocks de l'usine de Stains ont diminué de 27 % et son taux de service a atteint les 80 %. « Nous n'avons plus jamais de ruptures et pouvons livrer à temps et dans la sérénité nos clients », assure Leïla Bouhali. Et ça se voit : en 2017, l'ETI a vu son chiffre d'affaires grimper de 8 %.

Schindler : casser les silos 

Sabine Simeon l'avoue sans détour : « Quand je suis arrivée en 2014, la supply chain de Schindler était dans un état compliqué. Au second plan en matière d'investissements, beaucoup d'outsourcing avait été fait, jusqu'au coeur de métier, ce qui occasionnait des soucis de qualité importants. En plus d'un problème de maîtrise des coûts, l'écart entre les demandes des clients et la livraison des produits était de l'ordre de 50 %. » La directrice supply chain Europe de l'ascensoriste a décidé de briser le fonctionnement en silos focalisé sur l'exécution, avec des standards et des systèmes différents, et surtout une compétition interne entre les sites de production qui opéraient comme des centres de profit individuels.

Elle a opté pour une gestion « militaire » de la supply chain Europe, organisée autour de seize projets afin que ces différents acteurs soient alignés a priori et non a posteriori : mise en place d'un S&OP qui lui offre une visibilité de la demande à 24 mois, contre 3 auparavant, d'indicateurs de performance, d'une gouvernance et de standards de coûts, de qualité et de réactivité communs, d'une nouvelle stratégie de sourcing alignée avec son schéma directeur industriel ou encore d'une segmentation en trois pôles - make-to-stock, make-to-order, engineer-to-order - pour améliorer la productivité et la réactivité. Cerise sur le gâteau, le nombre de réunions, « pléthorique », a été divisé par deux pour « améliorer l'efficacité décisionnelle ». De quoi convaincre même les plus récalcitrants.

 

Logistique ou supply chain ?

Ne parlez pas de logistique aux professionnels de la supply chain ou vous risquez de les faire bondir. « La confusion entre les deux termes est toujours très prégnante en France, mais il ne s'agit pas du tout de la même chose, assure Caroline Mondon (Fapics). La logistique est un centre de coûts qui ne concerne que les flux physiques, alors que le supply chain management est orienté vers la création de valeur et comprend les flux physiques, les flux financiers, les flux d'informations et les flux de retour. »

 

Source: Les Ecchos