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Article • Bureau exécutif • Actualité • 15 October 2018

L'IA s'invite dans la Supply Chain

Quel est l'impact réel de l'Intelligence Artificielle sur les métiers et les organisations Supply Chain ?

Cette question suscite visiblement de l'intérêt au sein de la communauté SC puisque près de 200 personnes ont assisté vendredi 5 octobre à Paris à une conférence-débat sur ce thème, organisée par le cabinet Mews Partners et Supply Chain Magazine en partenariat avec le Master Supply Chain International de l'Université de Paris-Dauphine. « En juin 2018, nous avons questionné un panel de supply chain managers, et nous nous sommes aperçus que les freins à l'IA étaient de deux natures. Le premier est relatif au manque de compréhension de ce qu'elle peut apporter concrètement et à la question de son ROI, le second tient à une interrogation sur la manière de mettre en œuvre l'IA dans les SI existants » souligne Flavien Lamarque, managing partner du cabinet de conseil. Sa préconisation : une mise en œuvre progressive et itérative de l'IA (analyse des indicateurs / alertes / propositions / actions), avec un accompagnement du changement dans l'organisation. Les cas d'usage sont nombreux, du contrôle de facturation transport, au suivi des appros (avec propositions alternatives), en passant par le dimensionnement des stocks de sécurité, l'amélioration de l'implantation et de la productivité en entrepôt, etc. « L'IA et l'Analytics vont permettre de contourner les architectures SI traditionnelles. Une fonction SC dans l'entreprise peut lancer une phase exploratoire à des coûts raisonnables, sans besoin d'établir une roadmap digitale » explique-t-il.

L'un des champs d'action potentiels de l'IA en SC concerne par exemple l'analyse des lancements de produits. Xavier Brucker, désormais en charge des offres digitales & IA chez Mews Partners (voir NL n°2788), résume ainsi la problématique : « Un lancement sur deux est en rupture ou en surstock lors des deux premiers mois et le temps de recalcul des besoins d'appro est trop long ». Pour un distributeur d'aménagement intérieur, Mews Partners a ainsi testé une analyse recourant à de l'intelligence artificielle sur quelques produits. « Nous sommes capable de prédire ce qui va se passer au bout de 10 jours, alors qu'avec une méthode de prévisions classique, c'est un mois et demi de délai » déclare Xavier Brucker, insistant par ailleurs sur l'importance de la mesure de l'efficacité des résultats dans ce genre d'approche. « La machine sera-t-elle vraiment capable de surveiller de manière pertinente les résultats ? s'interroge Régis Bourbonnais, directeur du Master Supply Chain International de Paris-Dauphine. « Je crains que sur la masse de données, elle ait du mal à hiérarchiser une information par rapport à une autre. C'est le phénomène des régressions fallacieuses (spurious) » ajoute-t-il. « Ce n'est pas magique, lui répond Xavier Brucker, l'outil n'intervient pas sur des notions de causalité ».

L'IA, notamment avec une approche dite « machine learning », est donc un outil de corrélation, et non pas de causalité : il serait donc tout à fait présomptueux de retirer l'homme du process. « Il est temps de repenser la relation entre l'homme et l'algorithme » considère Julien Laugel, chief data scientist chez MFG Labs, une société du réseau de partenaires technologiques de Mews Partners. Et de faire remarquer qu'en ce qui concerne le jeu de Go, le deep learning a ouvert de nouvelles voies en matière de stratégie, alors pourquoi pas en SC ? Mais pour que cette collaboration basée sur l'échange entre l'Homme et l'algorithme soit constructive, la notion de confiance est capitale. « Dans un projet d'algorithme IA d'aide au choix de solutions transport sur lequel nous avons travaillé, nous nous sommes aperçus qu'il était fondamental d'améliorer le retour et l'affichage des résultats à l'utilisateur et de trouver un équilibre des responsabilités et des tâches. Inversement, l'utilisateur va aussi fournir de la donnée à l'algorithme pour lui permettre d'être plus efficace sur la durée » témoigne Julie Pronzac, chief experience officer de MFG Labs. L'un des risques, pour Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et membre de l'Académie des technologies « Pour une technologie au service de l'homme », c'est que l'humain soit victime de son « biais cognitif », d'une « illusion animiste » vis-à-vis de la machine. « A terme, pour prendre des décisions d'importance majeure, la tentation de suivre les algorithmes sera de plus en plus forte, la question étant de savoir si nous allons continuer à reconnaître à l'être humain la capacité de se tromper... » s'interroge-t-il.

Source : SupplyChain Magazine