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Article • Ambassadeurs • Actualité Partenaire AETL • 17 February 2020

Notre Grand Témoin : Florence Berthelot

 

Déléguée générale de la F.N.T.R.

Présidente du Comité du dialogue social européen sectoriel

des transports routiers à Bruxelles

 

Le transport routier représente, aujourd’hui, près de 88% du transport intérieur (terrestre car hors  le Sea Short Shipping continental en expansion constante) de marchandises. Or, la vox populi ainsi qu’une presse, à la fois mal informée et influencée par la clameur écologiste à la mode, répètent, a volo, qu’il faudrait inverser ces proportions au bénéfice du ferroviaire ; votre réaction ?       

                                         

Opposer le rail à la route ou encore les modes en eux est une aberration. Chaque mode a sa pertinence et sont souvent très complémentaires. On oublie trop souvent que la distance moyenne de transport en France est inférieure à 150 km. Si le transport routier de marchandises est très majoritaire en France, c’est d’abord en raison de ses qualités intrinsèques : coût, rapidité et fiabilité. Or, le transport par voie ferroviaire n’est rentable qu’au-delà de 500 km. Le transport ferroviaire et fluvial sont pertinents pour des marchandises qui peuvent être massifiées et où l’exigence de rapidité de transport est moindre. Les camions représentent moins de 3% de la circulation routière en France. L’image négative générée par le camion s’avère de plus en plus contraire à la réalité. La sécurité routière s’améliore d’année en année et demeure une préoccupation constante du secteur. En matière de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre, le secteur est, de tous les modes, celui qui a le plus fait d’efforts, et ce, sans aide publique. Plus de 85% des véhicules pour compte d’autrui sont aux dernières normes Euro, et de plus, les entreprises sont fortement engagées dans le mix énergétique en recourant de plus en plus à de nouvelles motorisations, comme le GNV, non seulement en achetant des véhicules GNV mais en participant au déploiement des stations d’avitaillement. Nous entendons fortement continuer notamment en direction du BioGNV issu de la méthanisation des déchets agricoles et organiques, qui s’inscrit d’ailleurs dans une approche vertueuse d’économie circulaire. Et nous entendons bien rappeler que nous devons être acteur du déploiement de l’hydrogène. Il faut constater que le consommateur exige ce que le citoyen refuse. L’exemple du e-commerce en est une démonstration : chacun veut être livré tout de suite, mais en même temps se plaint du transport routier. J’aime à rappeler que le premier acheteur transport est le consommateur lui-même ! Et quelles que soit les incantations, quand le transport routier s’arrête, tout s’arrête.

 

Que pensez-vous des difficultés qu’éprouve la profession en matière de recrutement ?

 

De nombreux secteurs sont en tension de recrutement et le transport routier n’échappe malheureusement pas à la règle. Nous avons lancé, il y a plus de deux ans, l’initiative TREMPLIN visant à fédérer les organisations professionnelles, les organismes professionnels et de formation pour répondre à ce problème, qui va jusqu’à obérer le développement de certaines entreprises. Nous travaillons étroitement avec Pôle Emploi. D’ailleurs, cela a permis de faire comprendre à de nombreuses agences de Pôle Emploi tous les débouchés possibles que nous offrions pour des personnes sans qualification ou en reconversion professionnelle. C’est une action de long terme. Les sources de cette pénurie sont multiples et complexes. Je suis personnellement convaincue que le transport souffre (injustement) de sa mauvaise image. Mauvaise image qui est véhiculée par les Pouvoirs Publics eux-mêmes qui, pour justifier telle charge ou telle taxe, s’ingénie à noircir le tableau. Dans ces conditions, quels parents, quelle famille serait encline à pousser les jeunes à rentrer dans le secteur ? Or, la réalité est toute autre. Il y a des postes pour tous, dans de nombreux métiers, que l’on soit diplômé ou non. Et le secteur a développé un dispositif performant de formation qui permet à tous d’entrer dans ces métiers et d’y progresser.

 

Par ailleurs, il se peut que, dans les postes de conduite, certains se disent que dès lors que les véhicules deviendront autonomes, ce sont des carrières sans avenir. Or, il faudra bien des années, avant que l’on puisse se passer de conducteurs, et en outre, ces postes évolueront également avec la technologie elle-même.

 

Quels sont les enjeux de la formation professionnelle ?

 

Le secteur a toujours considéré la formation comme un levier majeur. Il a créé ses propres dispositifs et ses propres organismes dans les années 1950 ! Un vrai précurseur. La formation professionnelle est un gage de professionnalisme non seulement en formation initiale mais également en formation continue. Le transport s’adapte sans cesse. Les métiers évoluent. Notre époque connait des bouleversements et des transitions fondamentales en matière écologique, énergétique, technique. Il faut toujours être en capacité de proposer des formations qui permettent à ceux qui travaillent dans le secteur de répondre à des attentes, voire des exigences nouvelles, du marché et des clients. Nous avons connu, en moins de vingt ans, trois réformes de la formation professionnelle, avec parfois des philosophies sous-jacentes très différentes. La dernière réforme porte l’effort sur l’apprentissage, ce qui est une bonne chose, et sur la formation des personnes éloignées de l’emploi. Si l’objectif est louable, il ne faudrait pas que les moyens manquent sur la formation continue, car celle-ci est indispensable pour nos personnels et nos entreprises. Or, avec la dernière réforme, il semble bien que les entreprises vont avoir de plus en plus à financer elles-mêmes, des formations qui, jusqu’à présent, étaient prises en charge par les outils collectifs. Nous serons attentifs à cette évolution afin que les formations n’en pâtissent pas.

 

L’École Supérieure des Transports (E.S.T.) créée en 1945, par des professionnels pour des professionnels, va fêter, en 2020, ses 75 ans. Qu’apporte-t-elle, selon vous, à nos métiers au niveau de l’encadrement de l’entreprise, par ses 3 cycles de formation professionnelle et en alternance ?

 

Cela illustre mes propos précédents : la Profession a été précurseur. L’École Supérieure des Transports est une référence pour les métiers de l’encadrement dans le transport et de nombreux dirigeants en sont issus. L’École a su remarquablement s’adapter aux attentes des entreprises ces dernières années. J’ai apporté ma modeste pierre à l’édifice dans la création du MBA, après avoir enseigné pendant 10 ans, et avoir été plusieurs fois Directrice de mémoire. J’ai le plaisir et l’honneur de continuer à faire partie du Comité d’orientation. C’est l’ADN de l’ École de voir des professionnels transmettre leurs savoirs à des élèves, qui pour certains, transmettront à leur tour, dans quelques années. Je dois avouer que je suis admirative de l’engagement des professeurs et des élèves, notamment ceux en alternance. Mais est-ce vraiment étonnant ?  Le transport c’est avant tout une affaire de passion !

 

Interview réalisée par Bertrand Castex

Président d’honneur de l’Ecole Supérieure des Transports

et de l’Association des Anciens élèves du groupe E.N.O.E.S.

Ambassadeur de l’A.E.T.L