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Article • Paris Nord • Actualité • 29 August 2016

Le Conseil Jeunes rencontre Sorin CIOCAN - Vice Président Supply Chain, Logistics & After Sales Service de LOUIS VUITTON pour la Région ASIE

Après plusieurs années passées dans le conseil notamment sur des projets dans le domaine du transport et de la logistique et après avoir acquis également une forte expérience chez des chargeurs, Sorin CIOCAN est aujourd’hui Vice-président de la supply chain, la logistique et le service après-ventes en Asie pour la maison Louis Vuitton. Il nous a accordés une interview le 01/07/2016.

 

A savoir LOUIS VUITTON c’est aujourd’hui :

  • Une marque qui a réussi à préserver la plupart de ses ateliers en France, Espagne et aux Etats-Unis.
  • Environ 19 000 collaborateurs dans le monde, dont 6 000 en France et 17 ateliers de production.

 

1. Quelle est la position de Louis Vuitton vis-à-vis du transport et la logistique ?

Le transport et la logistique sont omniprésents chez Louis Vuitton, avec plus de 450 magasins dans le monde, 8 centrales au total et une présence dans plus de 60 pays, nous avons besoin de tout le savoir-faire des transporteurs et des logisticiens.
Nous imposons certains impératifs à nos prestataires. On a besoin d’avoir une visibilité (track and trace) mais cela est assez complexe compte tenu des envois massifiés qui traversent plusieurs frontières. Ce n’est pas comme dans le e-commerce ou lors d’envois intra-européens dont le suivi est beaucoup plus facile. La difficulté se trouve également au niveau des douanes, la Chine notamment est un pays aux formalités compliquées.
Lors du choix de nos prestataires, nous avons un ensemble de critères, notamment les lead times, le coût, la valeur ajoutée (environnement, savoir-faire douanier) qui se répercutent sur le choix de nos transporteurs. Sans ces critères ils ne peuvent pas espérer faire partie de nos prestataires.
Il faut aussi, grâce à l’information, être capables de faire face à un monde de plus en plus imprévisible et optimiser notre production, et pour cela il faut mieux maîtriser les stocks, la fiabilité et nos temps de transports.

 

2. Comment voyez-vous l’évolution du transport et la logistique à horizon 2020 ?

Dans un monde de plus en plus imprévisible, on parle même de monde VUCA (Volatility, Complexity, Ambiguity), l’information devient aussi importante que le colis. Pour que l’information soit mieux conduite il est nécessaire que  tous les acteurs soient plus globaux.
Le Big Data va jouer un rôle très important notamment dans le remplacement des méthodes de prévisions comme le sont les forecasts qui sont maintenant des outils beaucoup trop rudimentaires.
On sera encore plus connecté  justement pour pallier le manque d’anticipation dont on a fait preuve.
On fera en sorte d’embaucher plus de personnes dans les services qui représentent une valeur ajoutée pour l’entreprise. Par exemple, on favorisera le recrutement dans des postes liés au Big Data plutôt que dans des services administratifs.
Notre Supply Chain est aujourd’hui très performante mais ceci ne doit pas nous priver de devoir continuellement moderniser et adapter nos outils et de sortir de notre zone de confort. Bien sûr, parfois les idées novatrices demandent des coûts supplémentaires et il faut les voir comme des investissements, il faut être convaincu de l’efficacité de l'idée proposée, or c’est un processus souvent long pour de grandes maisons comme Louis Vuitton. Par exemple, en 2010 lors de la création de notre nouvel entrepôt dans le New Jersey, nous voulions que celui-ci puisse continuer de fonctionner même en cas de force majeure (intempéries, etc.), qu’il soit autosuffisant. 2 solutions s’offraient à nous :

  • des réserves de fioul

                 ou

  • des énergies renouvelables.

 

Pour des questions de coûts nous avions choisi le fioul. 2 ans plus tard en 2012 l’ouragan Sandy est passé sur le New Jersey, et a coupé l’entrepôt des sources d’énergies de la ville, nous avons donc utilisé nos réserves de fioul. Mais la loi nous limitait concernant la quantité de fioul et nous n’avons pas pu produire normalement sur l’ensemble de la période de coupure, et même si nous nous estimions heureux par rapport à tous ceux qui n’avaient pas pu redémarrer du tout, on s’est rendu compte qu’avec les énergies renouvelables on aurait fait bien mieux.
Un autre facteur qui fera évoluer le transport et la logistique seront les valeurs ajoutées que les prestataires logistiques seront en mesure d’offrir à leurs clients. Il est vrai qu’aujourd’hui il y a peut-être un effet d’attentisme lors des processus d’appels d’offres. Les transporteurs et logisticiens répondent à une demande dans la limite des objectifs qui y sont listés. En parallèle, nous chargeurs,attendons de nos prestataires qu’ils nous proposent des services novateurs qui puissent nous apporter un bénéfice : réactivité, rapidité, rentabilité, anticipation, meilleure communication, etc. On rentre à nouveau dans une problématique étroitement liée à l’investissement mais qui évoluera certainement lors des années à venir.

Aujourd’hui, bouger le colis n’est plus la nécessité première, tous les prestataires logistiques savent respecter des contraintes de lead time, de sécurité ou de fiabilité. En revanche, il y a encore des améliorations à apporter sur l’information que l’on communique autour du colis (tracing et tracking et documents rattachés comme les factures et les documents douaniers). Tout cela fait partie d’un ensemble de services à valeur ajoutée qui sera le vrai atout d’un prestataire par rapport à un autre.
En effet, depuis 10 ou 15 ans, la tendance est à l’augmentation du nombre d’informations et à l’étirement des flux, en même temps que le transport devient une commodité, et que la marge de la simple prestation de transport a été largement réduite. Par exemple, certains prestataires peuvent recevoir sur leurs plateformes des palettes contenant des colis d’un même fabricant, le prestataire les reconditionnera en palettes avec des colis multi fabricants avant de les réexpédier. On peut également évoquer ce qui se fait chez nous : nos prestataires reçoivent des produits non-étiquetées et les étiquettent eux, selon les spécificités de chaque destination finale.

Mais à l’avenir, la valeur ajoutée des prestataires se fera aussi sur la digitalisation, le Big Data. Quand on reçoit une marchandise, on reçoit toute la documentation qui va avec. Les destinataires finaux se mettent alors en contact avec nos plateformes pour recevoir des informations concernant l’état d’avancement des expéditions ou pour obtenir des documents relatifs à la marchandise. Bientôt cette information leur sera transmise quasiment en temps réel et ainsi les destinataires finaux n’auront plus à consulter les centrales systématiquement pour avoir l’information. Cela permettra en plus à nos équipes de consacrer plus à des travaux d’analyse, de management et donc à l’amélioration de la supply chain plutôt qu’à des opérations journalières sans véritable valeur ajoutée.

 

3. A ce titre comment voyez-vous l’évolution de la formation ?

La renommée des écoles est très importante dans la tête des gens, et le restera sûrement, c’est humain, l’humain est caractérisé par la sociabilité, donc les réseaux sont très importants à leurs yeux, tout comme le sont les réseaux d’anciens d’écoles.
La formation en France a un temps d’avance sur les autres : l’alternance, les stages, les VIE (Volontariat International en Entreprise), rapprocher les jeunes de la vie professionnelle durant leur parcours de formation c’est génial et quasiment inédit, je n’ai vu ça nulle part ailleurs dans le monde.
La France a un vrai avantage par rapport à d’autres grands pays quand il s’agît d’intégrer l’école avec de la pratique.


Les formations Supply Chain étaient jusque-là des formations d’ingénieurs mais tendront à être de plus en plus proches du business tant la Supply Chain dépend des ventes et les ventes de la Supply Chain (par les coûts, l’approvisionnement …), mais c’est un cocktail détonnant : la Supply Chain c’est rationnel alors que le business c’est plus d’émotions, plus humain. En somme, il faut arrêter de
prendre la Supply Chain comme un process mais l’envisager comme un service.
Les écoles devront également être de plus en plus internationales : aujourd’hui la Supply Chain est internationale, mais le personnel n’est pas toujours préparé pour gérer l’interculturalité dans le monde de l’entreprise, notamment dans les fonctions de management. A ce titre la France y gagne encore grâce aux VIE ; avant il était très compliqué d’aller travailler dans certaines régions du monde
pour gagner de l’expérience, comme en Asie. Maintenant, avec les VIE c’est beaucoup plus simple et c’est une expérience très valorisante, chez Louis Vuitton nous prenons des VIE.

 

4. Un conseil pour l’AETL…

Au niveau de ces actions liées à la formation il serait peut-être judicieux de renforcer, comme je l’ai cité auparavant, l’expérience internationale et faire prendre conscience aux intéressés de l’aspect multiculturel qui est si étroitement lié à ce secteur d’activité. Cela rendrait certainement plus attractif ce milieu et permettrait également qu’un plus grand nombre de personnes s’y intéressent.
Aussi il faut faire de la supply chain avec le client final en tête, tout en essayant de « sentir » les marchés et le comportement du client

interviewé par Miriam CALPE et Brice PACHECO