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Article • Paris Nord • Actualité • 02 September 2016

Rencontre Yves FARGUES - Président du CNR et de l'Union TLF

M. Yves FARGUES, président du Comité National Routier (CNR) et Président de l’Union TLF, a accepté de nous recevoir, dans les nouveaux locaux de TLF, le 5 juillet 2016.

M. FARGUES a été Président Directeur Général de GEFCO pendant 6 ans, et a également occupé auparavant de nombreux postes à responsabilité dans l’automobile. Son expérience, son parcours et sa réflexion font de lui une personnalité visionnaire du monde du transport et de la logistique. Nous sommes allés à sa rencontre pour comprendre et appréhender le futur.

Quelle est votre vision de l’évolution du Transport et de la Logistique à horizon 2020 ?

Je pense que le monde du transport et de la logistique de demain, sera mené par 3 grandes notions clés :

  • La concentration et spécialisation
  • La mondialisation
  • La numérisation

 

Spécialisation et concentration

L’évolution la plus marquante de ces dernières années dans notre secteur est la différenciation qui s’est opérée entre les organisateurs et les opérateurs.

Les organisateurs, commissionnaires de transport à l’origine, proposent désormais à leurs clients de concevoir, opérer et optimiser l’ensemble de leur supply chain. Ils maitrisent l’ensemble des modes de transport, le plus souvent  sans les opérer.  Ils se sont dotés des outils informatiques et des bureaux d’études nécessaires, ils sont devenus internationaux en développant des réseaux mondiaux. L’importance des investissements à engager et le poids des charges fixes ont provoqué une course au gigantisme qui s’est traduite par de multiples fusions et absorptions.

Les opérateurs se sont spécialisés dans leurs créneaux modaux et ont, sans relâche, amélioré leur productivité et leur fiabilité. De nouveaux créneaux, aussi différents que  la livraison du dernier kilomètre ou le « short sea », ont été exploités par de nouveaux entrants. Les grands opérateurs  ont conservé leur clientèle directe. Les plus petits travaillent, le plus souvent, en sous-traitance des organisateurs. La course au gigantisme n’est pas de mise, souvent l’agilité prime.

La mondialisation

Dans les deux dernières décennies, l’explosion des échanges internationaux a provoqué une augmentation des volumes à transporter et a distendu les chaines logistiques. Cette tendance  est durable, le commerce mondial continuera de croitre et une augmentation de 1 point du PIB mondial entraine une croissance de 1,5 point des volumes transportés.

Le transport maritime sera le premier bénéficiaire de cette tendance, les volumes transportés en intercontinental continueront de croître. L’efficacité des ports sera centrale dans le choix des routes. Les autres modes de transport suivront, notamment le transport routier qui demeurera dominant en Europe. Le multimodal et le combiné ne seront pas en reste, ils trouveront plus de pertinence avec l’allongement des distances terrestres continentales.

Les industriels et les distributeurs continueront d’externaliser des pans entiers de leur chaine logistique aux grands organisateurs, le volume de business des 3 et 4PL augmentera. La bonne localisation des plates-formes de stockage ou de cross docking sera déterminante pour les choix des clients , leur mutualisation entre opérateurs/organisateurs deviendra nécessaire.

 

La Numérisation

La numérisation a un double effet : sur les processus métiers et sur la structure du secteur.

Elle rend déjà possible la dématérialisation des informations que doivent se transmettre les différents intervenants de la chaine logistique qu’ils soient opérateurs ou tiers extérieurs comme la Douane. Cette fluidité permet des gains de temps et renforce la sécurisation des process. Bientôt, les contenants, tels les conteneurs terrestres ou maritimes, pourront être connectés et transmettre les informations sur leur positionnement, leur charge, leur destination, leur date de livraison prévue etc. Les processus seront profondément modifiés par cette évolution.

La numérisation va aussi provoquer l’arrivée de nouveaux types d’intervenants opérant des plates-formes collaboratives mettant en relation directe les chargeurs et les opérateurs. Un dispositif de ce type a déjà été mis en place pour le transport maritime international, mettant en relation directe l’offre de transport et la demande.. .

 

Le marché

Le marché va évoluer rapidement et fondamentalement dans les prochaines années, obligeant les acteurs de la chaine logistique que nous sommes à  nousadapter constamment.

En effet, plusieurs facteurs de changement commencent à émerger.

Ils peuvent être contradictoires comme l’explosion du e-commerce qui multiplie les points de livraison et l’imprimante 3D qui, à l’inverse,  permettra la production « à domicile » et réduira ces mêmes besoins

Il y a également l’Ubérisation qui fait entrer dans la profession de nouveaux acteurs moins encadrés par les réglementations qui nous portent une concurrence quelque peu déloyale.  A un moment, il faudra que les réglementations en tiennent compte et soient allégées pour les professionnels ou alourdies pour les nouveaux entrants.

Cependant, Monsieur FARGUES nous affirme qu’il ne faut pas voir ces évolutions comme une menace, mais comme des opportunités d’évolution du métier et de renouvellement des méthodes.

 

Que pensez-vous de l’évolution des parts de marché de chaque mode de transport ?

« Je ne vois pas de réel bouleversement dans les parts respectives des modes de transport. »

Le mode de transport vers lequel doivent se tourner l’attention et les investissements est bien entendu le maritime, du fait de la mondialisation croissante des échanges. La route qui restera le mode de transport dominant pour le terrestre suivra l’évolution et l’augmentation des flux maritimes, notamment pour les pré et post-acheminements. Concernant le fluvial, le fer et l’aérien, la répartition ne devrait pas évoluer de manière sensible.

 

A ce titre, comment voyez-vous l'évolution de la formation pour accompagner les entreprises dans ces futurs changements ?

Il va être nécessaire de faire évoluer les formations pour anticiper ces tendances et préparer les étudiants à ces changements. La numérisation et l’Uberisation sont des réalités incontournables qui vont tordre les réglementations et les processus. Il faut écouter avec attention les chercheurs et les industriels, se former une vision globale.

 

Et d’après l’évolution de la formation, quelles actions et suggestions pouvez-vous nous faire dans le cadre de l’AETL, afin de  s’inscrire davantage  dans cette dynamique ?

Je pense qu’il serait utile d’organiser pour les étudiants des conférences dans lesquelles des  chercheurs, des grands industriels ou distributeurs expliqueraient leur vision de la logistique du futur. Cela permettraient aux jeunes d’aujourd’hui qui sont les managers de demain de comprendre et anticiper les évolutions à venir.

 

Seriez-vous prêt à nous aider, si nous avons besoin de vous pour une conférence ?

Bien entendu, je serais ravi de pouvoir participer en tant qu’intervenant.

Il conclut sur quelques anecdotes où il nous confie avoir « appris sur le tas et sur le tard », qu’il faut apprendre du passé mais ne pas le reproduire, et surtout qu’il faut nous ouvrir sur le monde de demain.

 

Nous tenons à remercier M. Fargues pour ce moment de partage.

 

interview réalisé par Lorine TREMION et Valentin CHERY