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Article • Bureau exécutif • Technologie & Innovation • 23 October 2020

“La généralisation du camion autonome aurait un impact négatif sur le plan social et environnemental”

 

Dans son étude sur le véhicule autonome*, le chercheur François Combes démontre qu’en changeant de paradigme, il est possible de baisser de façon considérable le coût du transport mais en allant à l’encontre des enjeux environnementaux.

Transport Info : Pourquoi avoir travaillé sur les camions autonomes ?
François Combes : Cela s’est fait à la suite d’un appel à projets lancé en 2017 par le ministère des Transports. J’avais proposé de travailler sur les effets économiques du poids lourd autonome et mon dossier a été retenu et financé. J’ai donc cherché à comprendre ce que ces véhicules pourraient apporter en termes de baisse de coût du transport, mais aussi à mesurer son impact sur les chaînes logistiques et l’emploi.

 

TI : Qu’entendez-vous par camion autonome ? 
FC : A l’époque, quand on évoquait le camion autonome, on se représentait un véhicule classique qui circulerait sans avoir besoin de conducteur, mais il y a plusieurs études possibles. J’ai étudié un scénario dans lequel on faisait circuler des camions semi-autonomes, toujours avec un chauffeur. Dans ce cas de figure, on génère des économies, mais pas pour tout le monde, car le gain lié à l’autonomie peut être absorbé par la hausse du prix du véhicule. Il est ainsi probable qu’une partie des chargeurs continuera à recourir à des véhicules classiques, plutôt que de se tourner vers ces camions dont l’intérêt financier resterait limité. Là où cela devient économiquement intéressant, c’est lorsqu’on vise l’autonomie totale. Pour moi, le camion autonome n’a véritablement de sens que lorsqu’on atteint le niveau 5 en se passant de conducteur et donc de cabine. Il y a trois postes de coût quand on exploite un poids lourd : le prix, le conducteur et le carburant. Tant qu’il subsiste un chauffeur à bord, il faut le rémunérer sans pouvoir réaliser d’économies manifestes. Dès lors qu’on le supprime, on gagne sur ce poste, mais on peut aussi réduire le prix d’achat du véhicule en se passant de la cabine, ce qui de surcroît permettrait de gagner en charge utile. Là, il s’agit d’une innovation disruptive, un peu comme celle qui nous a fait passer de la calèche à l’automobile. Ce camion futuriste, qui opère de façon autonome complète et que l’on peut charger davantage, pourrait réduire les coûts logistiques jusqu’à 50%.

TI : Ce qui n’est pas forcément une bonne chose ? 
FC : Absolument. Avec un véhicule entièrement automatique, le prix du transport baisse sensiblement. Ce qui pourrait conduire les chargeurs à revoir leurs plans de transports, de manière à limiter leurs stocks, en effectuant des envois plus petits, plus nombreux et plus fréquents. Le risque serait alors que ce qui était une excellente nouvelle économique, n’aboutisse à multiplier les transports avec des véhicules ayant un moins bon taux de remplissage. Pour cette raison, la généralisation du camion autonome aurait un impact négatif sur le plan social, en raison de la suppression des emplois de conducteurs, mais aussi une incidence environnementale.

 

TI : C’est pour cette raison que les camions autonomes ne sont plus à la mode aujourd’hui ?
FC : A l’Ifsttar, nous travaillons sur une étude sur le platooning, financée en partie par l’Europe. Mais il me semble effectivement que les véhicules autonomes sont un peu moins au cœur de l’actualité médiatique qu’ils ne l’ont été voici quelques années. L’automatisation reste tout de même un sujet sur lequel on travaille, notamment en logistique urbaine. Des expériences d’automatisation sont menées dans ce secteur avec l’utilisation de robots ou de drones pour effectuer des livraisons en ville. Mais un robot qui se déplacerait à 15 km/h et qui ne pourrait transporter que deux colis par tournée n’aurait vraiment pas la même productivité qu’un VUL conventionnel qui en livre une centaine. Cela me laisse un peu circonspect, à ce stade, sur l’intérêt économique de ce genre d’expériences.

Source : www.transportinfo.fr